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LA DOUBLE MAÎTRESSE

la ramener à Bas-le-Pré. Outre ces causes, la grande chaleur excédait Mme  de Galandot qui la supportait mal, tandis que Nicolas et Julie s’en jouaient.

Le jour des saints Côme et Damien, qui est le vingt-sept septembre, fut singulièrement lourd et orageux ; de gros nuages couraient sur Pont-aux-Belles, interrompus de brusques coups de soleil. Le jardin était désert ; même le râteau du vieux jardinier avait fait silence. Julie et Nicolas trouvèrent le bonhomme étendu et dormant auprès de la roseraie. Depuis le larcin des roses, il surveillait ses rosiers. Julie cueillit une des fleurs qui restaient encore et l’effeuilla par malice sur la figure suante et tannée du dormeur.

Ils marchaient doucement sur le sable chaud. Julie avait entr’ouvert son fichu. Ils cherchaient un endroit frais du jardin. Partout il faisait étouffant. Auprès du petit bassin, ils s’assirent. La pierre brûlante de la margelle entourait un cercle de vase sèche et craquelée. La rocaille y semblait cuire. Le Triton paraissait comme abasourdi et stupéfait. Il était tout tacheté de gouttes de soleil mouvantes sur sa peau de métal. Nicolas toucha du doigt le cou de Julie. Une tiède moiteur le nacrait. Elle regardait sournoisement son cousin à travers ses cils mi-clos. Il était pâle et ses mains tremblaient. Parfois la vase durcie se fendillait avec un bruit sec. On respirait une odeur douce et fade de feuilles chaudes et de terre brûlée. Ils suffoquaient, et Julie proposa d’aller se reposer à la bibliothèque. Ils revinrent par le potager. Julie, en