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LA DOUBLE MAÎTRESSE

ses coudes, elle s’amusait à faire toucher au marbre les pointes de sa gorge. À chaque contact, une agréable fraîcheur se répandait dans son corps ; elle la ressentait surtout entre ses deux épaules.

Lasse de ce jeu, elle se tourna sur le dos, prit une des grappes et commença, un à un, à en manger les grains.

Elle mangeait lentement, avec délicatesse et gourmandise. Elle tenait le raisin haut devant elle. Chaque mouvement de son bras élevé et ramené à sa bouche laissait voir l’ombre blonde de son aisselle.

La grappe diminuait peu à peu, et bientôt Julie ne garda plus à la main que le vert squelette végétal en sa structure délicate où chaque grain arraché laissait comme une goutte d’eau ambrée et liquoreuse.

Un dernier grain restait ; elle le prit entre ses doigts et, avec un rire hardi, le lança à Nicolas qu’il atteignit au visage.

Il s’était levé du fauteuil, très pâle. Julie ferma les yeux. Elle sentait sur sa peau un souffle haletant, des lèvres sur sa bouche, une main à ses seins ; une autre plus hardie et plus intime, qui s’embarrassait dans les plis du jupon, atteignait la chair de la cuisse et montait tremblante et froide avec un léger chatouillement d’ongles… Puis tout à coup elle ne sentit plus rien et regarda.

Dans le cadre de la porte grande ouverte, Mme de Galandot se tenait debout. Elle lui sembla d’une taille inusitée, comme si sa haute coiffure à