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LA DOUBLE MAÎTRESSE

avec complaisance les plus notables coiffures de sa longue carrière.

Entre elles, il en distinguait quelques-unes de particulièrement considérables et qui, selon son expression, importaient au salut de l’État. C’est ainsi qu’il rappelait volontiers qu’il avait eu l’honneur de coiffer de tout temps M. le maréchal de Bonfort dont les défaites célèbres assurèrent le rang et établirent la renommée, et que M. le chancelier de Valbin n’aurait point voulu laisser à personne autre le soin de l’accommoder aux jours de cérémonie. Comme tous les bavards, M. Laverdon avait son anecdote de prédilection. Elle touchait à M. le duc de Tardenois qui l’avait fait appeler un matin et qui fut ministre le soir, dura sept ans, jusqu’à la lettre de cachet qui l’exila en ses terres pour où partant il fit attendre son carrosse, malgré l’ordre pressant du roi, tant que Laverdon n’eut point fini de le poudrer et de le mettre à point.

Si M. Laverdon prenait vanité de ces hautes circonstances, il en était de moins publiques dont il se souvenait volontiers, et son peigne, pour avoir été au service de l’histoire, n’en restait pas moins au service de l’amour.

Il prisait sa clientèle d’hommes à la mode. Leurs bonnes fortunes le rendaient fier. Il les suivait d’un regard ému et s’en tenait fort au courant.

C’est en cette galante compagnie qu’il rangeait le jeune M. de Portebize. « Je ne crois pas qu’il aille bien haut dans la gloire », disait-il, « mais