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LA DOUBLE MAÎTRESSE

aux-Belles d’où il était venu droit à Bas-le-Pré et ne cessait de vanter à sa mère les avantages et les agréments du lieu, quand elle l’interrompit dans sa louange.

— « Ne me parlez pas de cet endroit, Monsieur, lui dit-elle ; je le connais d’avant que vous soyez né et ne me sens aucun désir de le revoir, même vide des sots qui l’habitaient. Votre grand-oncle Nicolas était du nombre et sa sotte mère aussi. Leur souvenir m’en gâterait le séjour et je reverrais toujours le spectre de cette vieille dévote et la mine de son jeannot de fils. Je me demande encore ce que pouvait bien lui avoir appris son précepteur, une sorte de gros abbé qui était là quand j’y vins petite et qui s’appelait, je crois, Hubertet. Il s’est, dit-on, par la suite, acquis quelque réputation dans les sciences.

« Mais tout cela date de bien loin, Monsieur », avait ajouté Mme de Portebize en posant sur son assiette l’aile d’une volaille que servait sur un grand plat Jean, le petit laquais, dont les doigts rouges se cramponnaient au rebord de la faïence.

M. de Portebize avait bien essayé de revenir sur le compte de M. de Galandot, mais sa mère y avait coupé court :

— « Laissons cela, Monsieur, et laissez-moi vous dire que votre oncle ne m’intéresse point et que nous en savons la seule chose qui nous puisse importer, puisqu’elle vous concerne. Il a fait, en mourant, ce qu’il pouvait faire de mieux, puisque sa mort fait de vous un seigneur d’importance. Et il me semble même, puisque nous en sommes là,