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LA DOUBLE MAÎTRESSE

On venait au bruit. C’était une fort jolie personne de quinze ans, brune et vive. Un fichu se nouait à sa taille mince. Son bonnet blanc coiffait une mine spirituelle et naïve. Une courte jupe ronde laissait voir ses pieds chaussés de mules sur un bas à coins. Elle tenait à la main un médailler et un chiffon de laine. Elle fit une belle révérence à M. de Portebize.

— « Est-ce que M. l’abbé Hubertet n’est point chez lui ?

— Non, Monsieur, il est sorti, mais je ne crois pas qu’il tarde à rentrer. »

M. de Portebize la regardait, surpris de sa jeunesse et de sa beauté. « Ce diable d’abbé Hubertet, se disait-il, doit bien avoir au moins soixante-quinze ans, mais cette petite gouvernante est tout de même inattendue. L’usage les veut laides et vieilles et celle-ci n’est ni l’un ni l’autre. Point ; elle est charmante ; les plus jolis pieds du monde et des yeux à vous mettre à ses pieds. Le bon abbé a dû jadis aimer la cotte et je gage qu’il a dû enseigner de curieux principes à feu mon digne oncle Galandot. »

— « Monsieur semble contrarié de ne pas trouver au logis M. l’abbé Hubertet. Il ne le faut point. Si monsieur veut voir le cabinet, je saurai le lui montrer. »

Certes, M. de Portebize ne se sentait en venant aucune envie d’admirer des médailles rouillées, des vases peints, des colliers de bronze et tout ce qui composait le cabinet de M. Hubertet. L’abbé était riche en antiques d’assez bon choix. Ils remplis-