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LA DOUBLE MAÎTRESSE

longues épingles. Elle marchait à petits pas, montée sur de hauts patins en bois sculptés à jour. Quand je passais, elle me regardait du coin de son œil coquettement bridé.

« Un soir que j’étais resté là plus tard que de coutume, je me trouvais assis au pied de la tour de Porcelaine. En attendant le lever de la lune, j’écoutais dans la nuit obscure gémir une touffe de roseaux quand je me sentis prendre la main dans l’ombre. Je me laissai guider. Une forme vague m’entraînait et me fit entrer dans la tour par une petite porte basse que je ne soupçonnais pas.

« Je me trouvai dans une chambre faiblement éclairée. Au mur, une idole cornue grimaçait à la fumée de cierges en papier doré. La divine Tung-Chang reposait mollement sur des coussins et me fit signe de m’asseoir auprès d’elle. Sa robe était entrouverte, elle l’écarta d’un geste et mit ses mains sur ses yeux.

« Je compris et me mis en devoir de ce qu’attendait de moi la belle Chinoise. J’y parvins tout juste. Sa souplesse, son agilité me déconcertaient. Son petit corps jaune glissait entre les doigts. Ses seins figuraient assez bien deux citrons tièdes. Elle ressemblait à un jeune animal taquin et furtif, et je la trouvai délicate, amoureuse et fort experte. Ses yeux retroussés souriaient dans sa figure lisse. Elle exhalait une senteur pimentée de gingembre, de thé et de vanille, et de ce parfum poivré qui reste au fond des boîtes de vieux laque. Elle disait des mots rauques que je ne