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LA DOUBLE MAÎTRESSE

tiques de toutes sortes. M. de Galandot adopta leur vie studieuse, sédentaire et réglée. Il habitait au Marais un appartement qui donnait sur un jardin. Je l’y revois encore, et c’est là, Monsieur, que je vous le veux faire voir en pensée.

« M. de Galandot, votre oncle, n’était ni beau ni laid, ni vieux, ni jeune ; il semblait avoir pris quarante ans une fois pour toutes et bien décidé à s’en tenir là ; grand et maigre d’ailleurs et d’une taille un peu courbée ; une vaste perruque enserrait son visage osseux. Il portait un large habit gris, qu’une fois usé il remplaçait par le pareil. Il était rare que quelque livre ne ballottât pas dans ses poches, pêle-mêle avec des médailles dont il les remplissait et qui tintaient entre elles. Il gardait au doigt en anneau une assez belle pierre gravée et il la regardait fréquemment en arquant un de ses sourcils. Un air de simplicité était répandu sur sa personne et il aurait peut-être bien même, pour être franc, paru un peu nigaud si son silence, son maintien et sa vertu n’en eussent imposé au point que nous l’avions entre nous surnommé le Romain, sans nous douter qu’il mériterait jamais ce sobriquet autrement que par la dignité de son caractère, la rigueur de ses mœurs et la constance de sa frugalité. Sa seule sensualité était pour le raisin.

« Il en achetait du plus beau, et encore le plus souvent le gardait-il sur sa table sans y toucher, comme si la vue d’une belle grappe eût suffi à sa sage gourmandise. »

L’abbé Hubertet s’était interrompu de parler. Il