Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/365

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goutte de bave liquide en suspens à sa lèvre alourdie.

Entre ses genoux, le prélat tenait une barrette renversée pleine de pistaches, d’amandes, de noisettes. À côté de lui, à terre, son large chapeau, avec ses glands d’or et ses houppes de pourpre, servait de plat à des noix cassées. Ses doigts noirâtres puisaient alternativement aux deux réserves ; il maniait un instant le fruit choisi, puis, avec effort, il le lançait devant lui.

M. de Galandot s’approchait pas à pas, les yeux fixés sur cette singulière apparition. C’était donc là ce fameux Lamparelli dont lui parlait jadis l’abbé Hubertet et dont le nom revenait si souvent dans les discours de Cozzoli et à la bouche d’Olympia et d’Angiolino ? Les pins bruissaient lentement dans l’air. Parfois un oiseau invisible s’envolait. On entendait le bruit sec d’une noisette jetée. Le grand laquais, d’un geste distrait, essuyait la bouche salivante et se redressait, immobile, la main au dossier doré du fauteuil cramoisi.

Le cardinal était placé devant le pavillon qui lui servait jadis pour ses débauches discrètes. C’était là que, naguère, Mme  Piétragrita avait introduit la jeune Olympia. On avait abattu depuis le mur de façade et grillé l’ouverture, et c’est devant cette baie que, chaque après-midi où le temps le permettait, Lamparelli venait s’asseoir pour jouir du bizarre spectacle qui était maintenant presque le seul plaisir qui satisfît son enfantillage, sa rancune et sa folie.

Les singes du cardinal Lamparelli, de tailles et