Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/367

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Tout à coup, il y en eut un qui se leva, marcha debout comme un homme, puis entravé dans sa robe, retomba à quatre pattes, poussa un cri aigu et se dirigea vers un de ses compagnons assis juste devant le grillage où il cramponnait ses deux petites mains crispées et décrépites.

Ce personnage était un assez grand singe à face sénile, pleurarde et fourbe. Il grelottait et parfois toussait d’une toux rauque. Il était, par contraste, tout habillé de blanc, une soutane aux épaules, une calotte blanche sur la tête, et, pendues à sa ceinture, deux grosses clefs d’or qui, au moindre mouvement, tintaient l’une contre l’autre. Il semblait malade et engourdi, et ses yeux seuls bougeaient continuellement en sa figure immobile.

M. de Galandot regardait avec surprise cette simiesque assemblée. C’était ce que le cardinal Lamparelli appelait son conclave. Le baroque vieillard, déçu en ses ambitions papales, la cervelle dérangée par l’âge et la haine, avait inventé ce jeu impie et, chaque jour, venait contempler durant de longues heures sa ménagerie sacrilège. Taciturne et béat le reste du temps, là seulement il trouvait quelque plaisir en compagnie de ses singes travestis. Il riait, s’amusait, les appelait par leurs noms ou plutôt par ceux de ses confrères du Sacré-Collège qu’il leur donnait. Plusieurs des cardinaux qu’il injuriait ainsi n’existaient plus, de sorte que ces bêtes représentaient des morts. Quant au singe vêtu de blanc, il le détestait. On avait ordre de le mal nourrir pour qu’il mourût, car ces trépas mettaient en joie Lamparelli. Mais