Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/418

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assisté avec indulgence, sérénité et contentement au voluptueux penchant qui réunissait ces jeunes gens. Il en parlait avec dignité et béatitude, allongé dans son fauteuil qu’il ne quittait plus, car ses gouttes lui gonflaient les jambes en attendant qu’elles remontassent et missent fin à ce que l’abbé appelait plaisamment le « songe incertain de sa vie », car il discourait volontiers de sa mort prochaine. Il en laissait venir l’heure, ses mains gourdes croisées sur son gros ventre, occupé de pensées tranquilles et visité de ses amis.

Ni M. de Bercherolles, ni M. de Parmesnil ne manquaient à ce devoir. Ils rencontraient là M. Garonard et M. de Clairsilly. Mlle  Varaucourt y paraissait par échappées. Son amant avait sa petite maison au Luxembourg, et souvent, en sortant de chez lui, elle montait prendre des nouvelles de l’abbé. Mlle  Damberville fut naturellement admirable en ces circonstances. Elle venait chaque jour. Le chevalier de Gurcy, qui n’aimait point ces spectacles, attendait sa belle en bas chez le marchand de vin du coin, car il ne la quittait plus d’une semelle.

Cependant l’enflure remontée annonçait une fin proche. Toute la compagnie avertie s’y trouva. Mlle  Damberville, debout derrière le fauteuil, soutenait la tête du malade. On attendait de moment en moment l’arrivée de Mlle  Fanchon qu’on avait fait prévenir. L’abbé s’y opposa jusqu’au bout, craignant d’infliger à sa gracieuse pupille une vue affligeante. Elle vint toute rose de jeunesse, de vie et d’amour. Elle portait une robe champêtre