Page:Régnier Double maîtresse 1900.djvu/431

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— « Le plus beau, ajouta M. de Créange, fut peut-être encore la fin de tout ceci.

« Nous trouvâmes dans la cour notre fourrier qui tenait en bride nos chevaux ; mais à peine fûmes-nous en selle que nous fûmes assaillis d’une grêle de pierres. L’une d’elles faillit même casser le nez d’Oriocourt, tandis qu’une autre m’effleurait l’oreille. Nous regardâmes d’où venait l’embuscade et notre surprise fut grande de voir debout, sur le seuil, le petit valet qui nous avait servi à table et qui, les poches pleines de cailloux, nous assaillait de la sorte.

« Le fourrier nous amena le vaurien par le fond de la culotte. Il criait et se débattait comme un diable. Il avait de longues oreilles, le poil roux, le visage pintelé de taches de rousseur. Il nous regardait avec fureur, les poings serrés. Le drôle pouvait bien avoir une quinzaine d’années. Tout à coup sa colère tomba et il se mit à pleurer, puis à geindre piteusement. Puis une nouvelle rage le saisit. « Ah ! les vilains ! ils ont couché avec Madame. » Et il reprenait : « Ah ! mes bons Messieurs. C’est qu’elle ne voudra plus de moi. Est-ce que je sais ces belles pratiques de gentilshommes. Hi, hi… C’est pourtant Madame qui m’a appris la chose… hi, hi… Je n’y pensais pas, moi, hi… c’était l’autre année, derrière la meule, hi, hi… »

On s’était remis à marcher et, délaissant les allées, on passait à même les pelouses. Le soir tombait peu à peu, il faisait doux et tiède. Fanchon continuait à rire et à plaisanter. On arriva à la colonnade. Elle élevait un demi-cercle de fûts à