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LA DOUBLE MAÎTRESSE

débrouillait assez bien cet écheveau de sentiments, sauf un point dont il avait peine à trouver l’explication.

Il ne se rendait pas exactement compte de la surprenante répugnance où Mme de Galandot tenait l’acte de chair. Ses relations conjugales avec le modèle des maris eussent dû lui en laisser une idée moins rébarbative. Il était singulier qu’un homme, honnête et cérémonieux comme le feu comte, lui eût rendu les devoirs du corps dignes d’une sorte de terreur amère comme elle la manifestait en ses discours. Comment cette vertueuse veuve se trouvait-elle au courant des pires excès de la passion ? Seul le spectacle des plus laides débauches eût pu, par la vue de leurs turpitudes, la prévenir ainsi, à ce point, des bas dangers de l’amour.

L’Église, dont elle connaissait à fond la doctrine, car elle était grande liseuse de théologie et de casuistique, ne permet-elle pas assez volontiers à ses ouailles l’amour au naturel ? Elle ne le réprouve guère que dans son ordure ou sa frénésie, et c’est là où elle allait justement chercher une raison d’en détourner son fils, de retarder son usage de la femme à un temps qu’elle fixait à sa maturité, mais qu’elle eût certes voulu remettre encore et au delà, comme si elle eût craint, non seulement pour elle un partage d’affection dont sa jalousie s’alarmait, mais encore, pour lui et en lui, l’éveil d’un instinct qu’elle considérait comme on ne sait trop quoi de honteux et d’ignoble.

Mme de Galandot revint plusieurs fois à ce sujet