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LA DOUBLE MAÎTRESSE

tombait sous la main et cachait, d’ordinaire, ses larcins dans sa paillasse ou dans quelque recoin de sa chambre. On la rencontrait errant dans le jardin ou les corridors ou bien descendant les escaliers sur son derrière, quelquefois aussi assise sur le seuil des portes et, la jupe retroussée, prenant le frais à nu sur la pierre. Méchante et acariâtre au temps de sa raison, elle restait dans sa folie fourbe et vindicative.

C’était à cette créature que revenait désormais la garde de la petite Julie. Elle avait huit ans et était fraîche et gentille.

L’abbé Hubertet s’entretenait de cette situation avec M. de Fresnay, accouru avant lui à Bas-le-Pré d’où il était le plus proche voisin, à la nouvelle de l’accident dont il avait envoyé prévenir Mme  de Galandot. Homme agréable et bon, mais cervelle légère malgré ses cinquante et un ans, il se montrait tout bouleversé de la mort de son cousin et avait été fort heureux de l’arrivée de l’abbé Hubertet qu’il mit au courant des particularités que nous venons de rapporter.

M. du Fresnay, qui connaissait de longue date M. de Mausseuil, n’avait jamais cessé de le voir malgré son ivrognerie et sa débauche. Ce fut au Fresnay que M. de Mausseuil rencontra sa seconde femme, la malheureuse Anne de Bastan. Du Fresnay ne se doutait guère, en recevant par habitude ce gros homme dissolu, qu’il inspirerait jamais à cette douce jeune fille une si véritable passion. Mausseuil divertissait les du Fresnay, car, à travers sa crapule, il conservait des lueurs de raison et