et abandonnant à ses frères son héritage et son droit d’aînesse, il s’adonna surtout à la philosophie, et dans la philosophie, à la science de la dialectique, cet art de la guerre intellectuelle dont il préférait à tout les armes, les combats et les trophées.
Très jeune encore, il affronta les chances et les épreuves de cette stratégie du raisonnement et de la parole. Il s’y exerça de bonne heure, et ses rapides succès lui donnèrent une telle confiance que, quittant la maison paternelle, il alla voyager, parcourant les provinces, cherchant les maîtres et les adversaires, marchant de controverses en controverses, et renouvelant ainsi, sous une autre forme et dans un plus vaste espace, la coutume attribuée aux péripatéticiens de discuter en se promenant[1]. La philosophie avait alors ses chevaliers errants.
La France ne manquait pas de maîtres et d’écrivains qui cultivaient la dialectique. Des sciences qui occupaient les esprits, c’était celle qui commençait à faire le plus de bruit et à donner le plus de renommée. Elle rivalisait d’importance et presque de pouvoir avec la théologie qu’elle servait et inquiétait tour à tour. La grammaire et la rhétorique qui, unies à ces deux sciences et à quelques études mathématiques, composaient presque tout l’enseignement de l’époque, ne venaient que loin après la dialectique dans l’estime des hommes instruits. La dialectique, c’était alors la philosophie proprement dite. On l’appelait un art, parce qu’on ne l’enseignait pas sans la pratiquer, et que l’étude du raisonnement
- ↑ Ab. Op., ep. I, p. 4.