Page:Rémusat - Critiques et études littéraires, ou passé et présent, tome 2.djvu/366

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THOMAS REID ET ROYER COLLARD.

ce soin doit être renvoyé à une autre époque et à un autre travail. En ce moment, nous ne voulons qu’insister sur une seule remarque, le rôle que la philosophie a joué dans la vie de M. Royer-Collard. Quoi qu’il eût fait, son esprit eût été philosophique, car il était naturellement pénétrant, rigoureux et généralisateur. Mais ses facultés puissantes n’avaient trouvé pendant sa jeunesse un méthodique emploi que dans les mathématiques. Il en avait poussé l’étude assez loin, plus loin qu’il n’a eu occasion de le faire voir, avant 1789. Depuis lors, la préoccupation et l’observation des choses politiques ont pris une grande part de son esprit, et c’est dans cet ordre de pensées que l’intelligence, si elle ne fléchit sous le poids de l’expérience, acquiert le mieux l’étendue et la fermeté qui permettent d’unir à la sévérité scientifique le sentiment de la réalité. La politique est l’empire du sens commun. Or c’est après avoir passé par cette utile épreuve, que M. Royer-Collard fut appelé par une circonstance inattendue à faire de la philosophie une étude régulière, et le même hasard qui mit dans les mains de Malebranche un volume de Descartes, fit tomber sous les yeux du futur professeur un ouvrage de Reid. L’Écossais est sceptique à l’endroit des systèmes et croyant en matière de sens commun. Sa doctrine convenait à l’esprit difficile et nerveux de M. Royer-Collard et le captiva autant qu’il pouvait être captivé. Plus sévère dans ses formes, plus élégant dans ses procédés, plus dédaigneux dans ses jugements, le nouveau disciple s’appropria la critique ingénieuse et sensée de son nouveau maître, et en la transportant dans une des premières chaires de