Page:Rémusat - Le Livre des récompenses et des peines.djvu/79

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En effet, au bout de trois jours le ciel se couvrit tout à coup, et il tomba une pluie si abondante, que la rivière crût de la profondeur d’une coudée. Le gouverneur alla lui faire ses remercîmens : il lui demanda ensuite quelle vertu miraculeuse se trouvait dans son parasol ; le vieillard lui répondit : Je ne suis qu’un homme sans aucune connaissance, et de la dernière classe du peuple, et j’ai déjà vécu quatre-vingt ans ; mais toute ma vie j’ai eu une vénération particulière pour les trois clartés du ciel et de la terre. C’est par un motif d’honnêteté que je porte toujours un parasol ; je m’en couvre pour ne jamais offenser ou souiller les trois clartés[1]. »

(28) Les tortues et les serpens sont sous l’influence directe du pôle septentrional et du dieu de la guerre, et on ne les tue pas impunément. Il arriva à Yo-tcheou qu’un homme du peuple ayant desséché un étang, y prit une grande quantité de poissons et beaucoup de tortues ; il sépara la chair de ces dernières et alla porter les écailles à Kiang-ling, pour les vendre, ce qui lui rapporta beaucoup d’argent. Mais il se trouva peu de temps après frappé d’un ulcère qui lui dévora tout le corps, en lui causant des douleurs intolérables ; on le plongea dans un bain tiède, mais il y prit insensiblement la forme d’une tortue, et en moins

  1. Si fortè in itinere mihi lotium reddendum fuerit, umbellâ corpus meum contego, ne tria lumina spurcitiâ offendam atque contaminem. Telle est mot à mot la ridicule raison fournie par le vieillard.