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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Il a de revenus quatre fois plus qu’un juge ;
Mais la triste avarice et le ronge et le gruge :
Plus mal que son valet vous le voyez vêtu ;
À le voir vous diriez du dernier malotru.
De quels mêts croyez-vous que se couvre sa table ?
De gros lard, de lait pris, et de sucre d’érable.
Tous les mets délicats font tort à sa santé,
Dit-il, « et trop longtemps manger, c’est volupté ;
« Jamais surtout, jamais il ne convient de boire… »
Un homme fut ici de sordide mémoire,
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On se moqua de lui, comme on se l’imagine.
Il fallait voir Orgon marchant dans sa cuisine,
Regardant, maniant jusqu’aux moindres débris.
Orgon aimant le vin jusqu’à se mettre gris,
Pour le boire, attendait que la liqueur fut sûre :
Jamais, il n’eut l’esprit de la savourer pure.
On l’a vu gourmander les gens de sa maison,
Pour avoir, selon lui, mangé hors de saison.
« Il est, leur disait-il, juste qu’un homme dîne ;
« Mais manger le matin, c’est mauvaise routine :
« On doit, pour être bien, ne faire qu’un repas ;
« Et manger plusieurs fois, c’est œuvre de goujats. »

Au visage enfantin, à la voix féminine,
Vous connaissez Ormont, qui si souvent chemine :
Ormont est gentil-homme, et même un peu savant ;
Mais il est dominé par l’amour de l’argent :
Du matin jusqu’au soir, cet amour-là le ronge ;
Il pense à l’or le jour, et la nuit il y songe ;
Dans ses rêves souvent il croit voir des monts d’or,
Et d’aise tressaillant ramasser un trésor.
S’il lit par passe-temps son Boileau, son Horace,
Il est chez ces auteurs deux chapitres qu’il passe.

Parlant d’un ton dévot, riant d’un air bénin,
À le voir, vous diriez qu’Alidor est un saint :
Cet homme prête au mois, et même à la journée,
Et retire, à coup sûr, cent pour cent par année.
Vous croyez qu’Alidor prête pour s’enrichir,
Vous êtes dans l’erreur, c’est pour faire plaisir :
Non, ce n’est pas la soif de l’or qui le tourmente,
Mais il est d’une humeur tout-à-fait obligeante.