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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


Tout honteux de n’avoir pas pris mon homme au mot :
Et soupçonnant dès lors ce que j’appris ensuite,
Que pour ne point payer il avait pris la fuite.
Eh ! combien diraient d’eux ce que je dis de moi !
Passe encor quand on n’est négligent que pour soi ;
Négliger pour autrui, c’est se rendre coupable.
Qui pourrait, en effet, ne pas croire blâmable
L’homme qui volontiers s’est pris, chargé d’un soin,
Duquel par négligence il ne s’occupe point ?
Combien de médecins, procureurs, ou notaires,
Qui, pour négligemment avoir fait leurs affaires,
Pourraient être accusés des malheureux décès,
Des altercations, des ruineux procès,
Qu’avec étonnement, tous les jours, on contemple ?
Je pourrais en citer maint déplorable exemple ;
Mais je sens en moi-même une molle lenteur,
Qui me rend presque aussi paresseux que P…r ;
De la Paresse enfin les vengeances indignes.
Mais j’allais oublier deux paresseux insignes :
Par un mot déjà vieux, l’un s’appelle musard ;
Et l’autre est l’importun, l’ennuyeux babillard,
Qui, de ne faire rien recherchant le prétexte,
D’un auteur inconnu vous commente le texte ;
Cherche, comme un furet, partout à qui parler ;
Rend malade quiconque il peut appateler ;
Dont la langue, en un mot, incessamment frétille,
S’il ne rencontre à qui pouvoir conter vétille.
Au regard vagabond, à l’abord effaré,
Un babillard, feignant d’être un homme affairé,
Vous fait croire parfois que lorsque, dans la rue,
Sur vous, sans préalable, il se jette et se rue,
Vous saisit par le bras, ou vous prend au collet,
C’est qu’il se sent pour vous l’amour le plus complet,
Un égard qu’il refuse à l’ami plus vulgaire.
Mais si vous n’êtes point à son dessein contraire,
De ses propos sans fin vous serez assommé,
Et, sinon mort, mourant, par l’ennui consumé.
Quoiqu’il ne fasse rien, ne dise rien qui vaille,
Du fâcheux babillard la langue au moins travaille ;
Et je l’aime encor mieux que cet homme niais,
Qui voulant travailler, ne travaille jamais ;
Sur lui-même toujours se plie et se replie ;