Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
157
LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Le zèle de l’étranger se ralentit, quand il vit la difficulté de l’entreprise. « C’est sans doute quelque vieux mémoire de famille, » dit-il, en déployant le manuscrit d’un air indifférent.

« Tout ce que je sais, reprit l’hôte, c’est que ce n’est point un mémoire de notre famille : nous sommes, depuis le commencement, de simples cultivateurs, et il n’a rien été écrit sur notre compte, à l’exception de ce qui se trouve sur la pierre qui est à la tête de la fosse de mon grand-père aux Cèdres. Je me rappelle, comme si c’était hier, de l’avoir vu assis dans cette vieille chaise de chêne, et de l’avoir entendu nous raconter ses voyages aux lacs de l’ouest, avec un nommé Bouchard, jeune français, qui fut envoyé à nos postes de commerce. On ne parcourait pas le monde alors, comme à présent, pour voir des rapides et des chutes. »

« C’est donc, dit l’étranger, dans l’espoir d’obtenir enfin la clé du manuscrit, quelque récit de ses voyages. »

« Oh ! non, répartit le bonhomme ; Bouchard l’a trouvé sur le rivage du lac Huron, dans un lieu solitaire et sauvage. Asseyez-vous, et je vais vous raconter tout ce que j’en ai entendu dire à mon grand-père : le bon vieillard, il aimait à parler de ses voyages. » Le petit-fils l’aimait aussi, et l’étranger écouta patiemment le long récit que lui fit son hôte, et qui, en substance, se réduit à ce qui suit :

Il paraît que vers l’année 1700, le jeune Bouchard et ses compagnons, revenant du lac Supérieur, s’arrêtèrent sur les bords du lac Huron, près de la baie de Saguinam. D’une éminence, ils aperçurent un village sauvage, ou, en termes de voyageurs, une fumée. Bouchard envoya ses compagnons avec Sequin, son guide sauvage, à ce village, afin d’y obtenir des canots pour traverser le lac ; et en attendant leur retour, il chercha un endroit où il put se mettre à couvert. Le rivage était rempli de rochers et escarpé ; mais l’habitude et l’expérience avaient rendu Bouchard aussi agile et aussi hardi qu’un montagnard suisse : il descendit les précipices, en sautant de rocher en