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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Françoise se tourna avec vitesse vers son père, et se frappant les deux mains, elle s’écria : « Ah ! ne le faites pas ; ne m’envoyez pas à ma mère, c’est la seule faveur que je vous demande ; je puis endurer tous les autres tourments : percez-moi de ces couteaux sur lesquels le sang de mon époux est à peine séché ; consumez-moi dans vos feux ; je ne fuirai aucune torture ; une martyre chrétienne peut souffrir avec autant de courage que le plus fier captif de votre tribu. »

« Ah ! s’écria le père avec transport, le pur sang des iroquois coule dans ses veines : préparez le bûcher ; les ombres de cette nuit couvriront ses cendres. »

Pendant que les jeunes gens exécutaient cet ordre, Françoise fit signe à Allewemi d’approcher : « Tu es un chef, lui dit-elle, tu as de l’autorité ; délivre cette pauvre fille outaouaise de sa captivité ; envoie-la à ma sœur Rosalie, et qu’elle lui dise que si un amour terrestre s’est interposé une fois, entre le ciel et moi, la faute est expiée ; j’ai plus souffert dans l’espace de quelques heures, de quelques instants, que toute sa confrérie ne peut souffrir par une longue vie de pénitence. Qu’elle dise qu’à mon extrémité je n’ai pas abjuré la croix, mais que je suis morte courageusement. » Allewemi lui promit de faire tout ce qu’elle lui demandait, et accomplit fidèlement sa promesse.

Un enfant de la foi, un martyr ne meurt pas sans l’assistance des esprits célestes : l’expression du désespoir disparut, dès cet instant, du visage de Françoise ; une joie surnaturelle rayonna dans ses yeux, qu’elle leva vers le ciel ; son âme parut impatiente de sortir de sa prison ; elle monta sur le bûcher avec prestesse et alacrité ; et s’y tenant debout, elle dit : « Que je me trouve heureuse qu’il me soit donné de mourir dans mon pays, de la main de mes parents, à l’exemple de mon Sauveur, qui a été attaché à la croix par ceux de sa nation. » Elle pressa alors le crucifix contre ses lèvres, et fit signe aux bourreaux de mettre le feu au bûcher. Ils demeurèrent immobiles, leur tisons ardents à