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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Par des sentiers divers, tous marchent à la gloire,
Mais Homère les suit au temple de mémoire

Ainsi l’antiquité, la couronne à la main,
Du poète savait assurer le destin.
Ne nous étonnons plus, dans le siècle où nous sommes,
Qu’elle ait toujours été si féconde en grands hommes.
Le talent craindrait-il de se montrer au jour,
Quand l’émulation, la gloire tour à tour
L’invitent, à l’instar des plus heureux modèles,
À prendre l’essor, à l’ombre de leurs ailes ?

Faut-il, sur cette terre heureuse et vierge encor,
Où semblent se lever les jours de l’âge d’or,
Quand, dans d’autres climats, un démon sanguinaire
Va soufflant la terreur, la discorde et la guerre,
Renverse, sans respect pour des droits immortels,
Les monuments des arts, les trônes, les autels,
Faut-il ne pas savoir, dans le sein de la paix,
Des muses cultiver les aimables bienfaits ?
Si nous les cultivons, qu’au moins l’indifférence
Les laisse sans honneur, comme sans récompense ?
Sur d’ignobles travaux transfère indignement
Le prix qui devrait seul couronner le talent ?
Et sur ce sol ingrat où partout il végète,
On ose demander l’asile du poète !
Alors que pour domaine il a tout l’univers,
Comme l’aigle planant dans l’empire des airs ;
On veut que, confiné dans un coin de la terre,
Son génie à l’étroit y reste solitaire…
Non ! notre ciel pour lui n’a pas assez d’azur ;
Nos champs sont trop déserts, notre air est trop peu pur ;
Sur un sable doré seul coule le Pactole ;
Sur les plus belles fleurs seul dort le fils d’Éole.

Consolons-nous pourtant de ces moments perdus
Dans l’oubli des talents, le mépris des vertus.
Un rayon lumineux dont l’horizon se dore
À nos yeux attentifs semble annoncer l’aurore
De ces jours désirés, de ces jours tant promis
Qui doivent embellir nos rivages chéris.
Rougissant de son règne, avouant sa défaite,
L’ignorance aux abois demande sa retraite.