Ô toi, fière cité, reine de ma patrie,
Combien dût ce moment me coûter de douleurs !
À ces pensers… ma paupière attendrie
Ne peut retenir ses pleurs.
J’ai vu de l’océan les vagues agitées
Que pressaient d’Aquilon les ailes irritées.
Puis j’ai vu de Paris les palais somptueux,
Et le dôme superbe élancé jusqu’aux cieux.
Sur la colonne triomphale ;
J’ai vu de vieux guerriers relire leurs exploits ;
J’ai vu le lieu funèbre où repose des rois
La cendre sépulcrale ;
Mais rien du Canada n’éteint le souvenir :
J’y trouvais le passé, j’y voyais l’avenir.
En vain, Londres à mes yeux déployait sa richesse,
Son faste, sa splendeur, d’un factice bonheur
La perfide ivresse,
Mon âme n’y trouvait qu’un charme empoisonneur.
Où sont ces jours quand, sous l’ombre d’un chêne,
Je fredonnais un rustique refrain ?
L’amour guidait mes doigts, et la timide Hélène
En rougissant sentait gonfler son sein.
Mais, comme un doux rayon au milieu d’un orage
Frappe l’œil du voyageur,
Ce tendre souvenir perce, en vain, le nuage
Qui pèse encor sur mon cœur.
Hélas ! j’ai tout quitté, parents, amis, chaumière ;
Chaumière où j’ai reçu la vie et la lumière.
Ô toit, cher protecteur de mon humble berceau,
De ma voix, de mon nom nourrirais-tu l’écho ?
Ingrat, j’ai déserté le seuil de mon enfance,
Seul un furtif adieu fut ma reconnaissance.
D’une mère éplorée, oubliant les regrets,
Je la quittais, peut-être pour jamais.
Non… je vous reverrai, lieux qui m’avez vu naître ;
Champs, bocages, riants vallons ;
J’y répéterai mes chansons ;
De tristes souvenirs de la flûte champêtre
Attendriront les sons.
Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/211
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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.