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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Séchant de peur devant tes maux,
Ton peuple te fuit, te déserte,
Te livre, à regret, à ta perte,
Au silence affreux des tombeaux !
Mais humanité sans exemple,
Le juste, sans être ébranlé,
Pour pleurer ta viduité,
Reste à la porte de ton temple !

Eh ! que lui sert de s’exiler
Au fond des salubres campagnes,
De respirer l’air des montagnes,
La fraîcheur d’un obscur rocher ?
Espoir, inutile ressource,
Le contagieux ouragan
Souffle, atteint, frappe le passant.
L’arrête au milieu de sa course.

Dans ces jours d’horreur et de deuil,
J’ai vu le fils, j’ai vu le père,
J’ai vu la fille avec la mère,
Les amis se suivre au cercueil !
Sans tombe, leurs titres, leur gloire,
Déjà ne se retrouvent plus :
Non, ce n’est que par leurs vertus
Qu’ils vivront dans notre mémoire.

Mais, c’est retracer trop longtemps,
Ô cité trop infortunée,
Ta désolante destinée,
Le deuil de tous tes habitants ;
Pénitente comme Ninive,
Dans la cendre abaissant ton front,
Tu l’as vu, la contagion
A presque déserté ta rive.

Mais en s’éloignant de ton sein,
Déjà ses effrayants ravages
Vont de rivages en rivages,
Désoler le sol canadien.
À la voix des ombres plaintives,
Beau Saint-Laurent, suspends tes flots ;
Ils ne baignent que des tombeaux
Semés tout le long de tes rives !