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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

et de faim, je ne pus résister au sommeil qui s’emparait de mes sens malgré moi ; et je succombai plutôt à l’excès de mon abattement qu’au désir de dormir. Mon fusil chargé, et prêt à faire feu sur le premier qui viendrait abuser de ma situation, je me tapissai le long du mur, mon chien près de moi pour me servir de gardien.

Il y avait à peine quelque minutes que j’avais fermé l’œil, quand je sentis comme quelque chose de froid qui me passa sur le visage, comme une main qui se glissait sur mon corps… je frémis, un frisson mortel me circula par tous les membres, mes cheveux se dressaient raides sur ma tête. J’étais comme asphyxié, je n’avais ni le courage de me lever, ni la force de saisir mon fusil… Jamais je n’ai cru aux revenants, mais ce qui me passa par la tête en ce moment, je ne saurais le dire… Était-ce quelqu’esprit de l’autre monde, quelque génie de l’enfer qui serait venu pour m’effrayer ? je ne le crois pas. Était-ce une main, une véritable main d’homme qui m’avait touché ? ça se peut. Était-ce un reptile qui m’avait glissé sur le corps ? ça se peut aussi. Était-ce un effet de mon imagination trouble et affaiblie ? ça se peut encore. Toujours est-il certain, que jamais je n’éprouvai aussi pénible sensation de ma vie ! Si vous avez jamais éprouvé les atteintes frissonnantes de la peur, mettez-vous à ma place, et vous jugerez aisément de l’horreur de ma situation. Le tonnerre rugissait épouvantable ; les éclairs se succédaient sans interruption, et semblaient embraser la forêt et n’en faire qu’une vaste fournaise. Mes yeux éblouis des éclats de lumière, furent frappés soudain de la vue du sang qui avait jailli sur le mur. On en voyait quelques gouttes sur le panneau de la porte. Il me serait impossible de vous décrire les idées affreuses et incohérentes qui vinrent m’assaillir en ce moment !… Une personne peut-être avait été assassinée là, en cet endroit, où je me trouvais moi, seul, au milieu de la nuit !… Peut-être était-ce quelqu’assassin qui tantôt avait passé la main sur moi ; sans doute pour saisir mon fusil, pour m’ôter ma seule arme, ma seule défense !… mais mon chien était là, à