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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

Léocadie lui disait avec sa charmante expression de naïveté : « Ah ! si tu savais comme je t’aime. » Et cependant les heures fuyaient nombreuses, et ils n’étaient encore arrivés qu’au pied de la montagne. Ils mesuraient leurs pas sur le plaisir et le bonheur de marcher ensemble. C’est ainsi qu’ils se rendirent jusqu’à la petite tour ; et quand ils y arrivèrent Léocadie était fatiguée. Elle voulut s’asseoir sur la verte pelouse, à l’ombre d’un tilleul dont les rameaux s’étendaient nombreux, et formaient comme un réseau qui arrêtait les rayons du soleil. La tiédeur de l’atmosphère tout en énervant les membres, répandait dans les sens cette molle langueur, ce je ne sais quoi, qui coule avec le sang dans les veines, et donne à tout notre être cette volupté délicieuse, qui amollit le corps et dilate l’âme, alors qu’elle nous plaît et nous embrase. Joseph, penché sur le sein de sa fiancée, aspirait l’amour avec le parfum des fleurs. Léocadie elle, elle était préoccupée. Ses deux grands yeux erraient distraits autour d’elle. Au moindre bruit elle tressaillait. La chute d’une branche, le friselis d’une feuille, lui causait une émotion pénible, dont elle ne pouvait s’expliquer la cause. Évidemment il y avait quelque chose qui l’inquiétait ; et Joseph ne savait qu’en penser ; son cœur à lui, bon et sensible, souffrait de la voir en cet état.

— Oh ! ma Léocadie, lui disait-il, en lui serrant la main, qu’as-tu ? dis-moi ce qui cause ton agitation. Craindrais-tu quelque chose avec moi, avec ton Joseph qui est là, à tes côtés, qui veille sur sa bien-aimée ?

— Mais je n’ai rien moi ; je ne vois pas où tu prends que je suis agitée.

Et tout en assurant qu’elle était tranquille, elle jetait tremblante la vue de tous côtés.

— Ah ! Léocadie, je vois bien que quelque chose t’occupe, mais tu veux me le cacher ; tu crains de me le dire, je croyais que tu m’aimais plus que cela.

— Eh bien ! regarde, dit-elle, regarde le soleil ; vois-tu comme il est couvert d’une teinte rougeâtre ; c’est ça qui