Page:Répertoire national ou Recueil de littérature canadienne, compilé par J Huston, vol 1, 1848.djvu/291

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ne me montrait que doutes fâcheux, que soupçons… Oh ! j’étais malheureux de l’idée que quelqu’autre l’occupait peut-être au moment où elle me jurait un éternel amour ; enfin mon cœur bourrelé me força de lui avouer ma souffrance. Dans une de nos promenades solitaires, je la conjurai de m’ouvrir son cœur.

— Émilie, lui dis-je, je t’aime, vois-tu ; oh ! je t’aime de toutes les puissances de mon âme, ma vie t’appartient ; dispose de moi, mais ne me rends pas plus malheureux que je le suis. Je donnerais toute mon existence pour dérider ce front où l’agitation de ton âme se dessine ; ouvre ton cœur à ton ami, à celui qui n’a pour tout bonheur que le désir de te plaire ; ne me refuse pas, Émilie, confie-moi ta peine.

Elle pressa ma main sur son cœur, et garda le silence.

Plus tard, elle me dit que cette tristesse était une disposition naturelle de son âme, mais que rien ne troublait le plaisir qu’elle trouvait à être avec moi. Je la crus facilement, et la fis consentir à notre union ; j’écrivis à mon père quelles étaient mes intentions, en lui demandant de consentir à ce mariage qui devait assurer mon bonheur.

Pendant que j’attendais avec impatience une réponse, je fus invité à un bal dans une maison de campagne près de Paris. Il y avait alors deux régiments de hussards en quartier près de là. On annonçait ce bal comme devant être remarquable par la magnificence et la splendeur qui devait s’y déployer. Les deux sœurs devaient s’y trouver ; je m’y rendis. Les brillants uniformes des officiers qui y avaient été invités en grand nombre, la profusion qui régnait dans les ornements, et les parures des dames, ce tourbillon de beautés qui voltigeaient de toutes parts, en faisaient un spectacle nouveau pour moi. Cependant, ce n’était pas du bonheur que j’éprouvais : je me trouvais isolé au milieu de cette foule, je regrettais les promenades où, seul, je pouvais me faire entendre à Émilie ; où, seul, je lui développais mon âme ; où, seul, je recevais des marques d’attachement.

On dit que la beauté d’une femme n’est mise à l’épreuve