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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

retournables après sa mort à l’hospice des orphelins, etc. Monsieur Desnotes se mordait les doigts.

— Je lègue à mon neveu, William, la possession pleine et entière du vaisseau le Hope qu’il commande, etc., etc. Monsieur Desnotes gémissait tout bas, et maudissait les craintes qu’il avait eues ; chaque nouvelle donation était un coup de poignard, chaque legs lui arrachait un gémissement.

Mademoiselle Lesattret le remerciait de l’intérêt qu’il semblait prendre à sa situation et l’assurait qu’elle se sentait beaucoup mieux. Il priait avec ferveur pour la conservation de ses jours. Après avoir terminé cette triste cérémonie, il rentra chez lui furieux, désespéré, donna un coup de pied à son chien qui venait le caresser, déchira son jabot, se brouilla avec deux de ses plus anciens amis, et, pour se distraire de sa douleur, but trois bouteilles de vin ; ce qui ne lui était jamais arrivé.

Cependant, mademoiselle Lesattret se rétablit peu à peu ; monsieur Desnotes devint plus attentif que jamais, et, de crainte de faire naître le soupçon qu’il tenait à la fortune, ne parla jamais du testament ; son amie n’en faisait aucune mention et paraissait s’attacher à lui, de manière à lui faire croire qu’elle ne rejetterait pas la proposition qu’il avait dessein de lui faire.

Enfin, lorsqu’il se crut presque sûr de réussir, il résolut de tenter la fortune. Il s’habilla donc aussi coquettement que possible, chiffonna trois ou quatre cravates blanches avant d’en trouver une arrangée à son goût, essaya deux ou trois culottes, entreprit de s’arracher tous les cheveux blancs qu’il apercevait d’abord, mais vit bientôt qu’il valait mieux les noircir ; il s’admira durant une demi-heure, et se tournant et se retournant devant un miroir, il étudia ses phrases, ses positions, tâcha de parler, de sourire, sans déceler de combien de dents sa bouche était en deuil. Enfin il sortit, et arrivé vers l’objet de sa convoitise, il frappa trois petits coups, puis entra en sautillant sur la pointe du pied comme un homme content de lui-même.