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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.


 Mais, je crains cet objet charmant :
Pourrais-je croire à ses serments ?
Ne suis-je pas dès longtemps
        Souffrant ?
Je sais que jamais la cruelle
Ne saurait aimer constamment.
        Je ne veux plus être fidèle,
        Le changement fait le bonheur ;
        L’amour doit voltiger de belle en belle,
        Le papillon de fleur en fleur.

N. Aubin.

1835.

QUARANTE ANS !



Ah ! qu’à dix ans, le réveil de l’aurore
À ma jeune âme apportait de gaité !
Sur mon visage il paraissait éclore,
Comme une fleur de joie et de santé.
Notre soleil est-il moins chaud, plus pâle ?
De mon jardin ses feux sont-ils exclus ?
N’avons-nous plus la brise matinale ?
Rien n’est changé ! mais j’ai trente ans de plus .

Comme à vingt ans je croyais ma maîtresse,
Que mes amis me semblaient précieux.
Je n’aurais pu chercher sous leurs caresses
Le piège adroit qui fascinait mes yeux.
À leurs serments pourquoi donc faire injure,
Et maintenant douter de leurs vertus ?
L’homme est-il faux et la femme parjure ?
Rien n’est changé ! mais j’ai vingt ans de plus.

Quand j’eus trente ans, je désirai la gloire,
Je la briguai dans ma prose et mes vers :
Charmante erreur, hélas ! qui me fit croire
Qu’un jour mon nom parcourrait l’univers.
Brillants rayons qu’avait la renommée,
Pourquoi pâlir à mes yeux abattus ?
Quoi ! votre éclat n’était-il que fumée ?
Rien n’est changé ! mais j’ai dix ans de plus.

N. Aubin.