Ruisseau, pourquoi sortir du fonds de ton asile ?
Ah ! crains le bruit et les regards.
Un soleil imposant, des campagnes riantes,
Des jours étincelants et des nuits plus touchantes,
Tout promet le bonheur, mais tout a des hasards :
Tu t’échappes, tu fuis guidé par l’espérance ;
Mais ce bonheur dont l’apparence
Fait frémir tes flots agités,
Ce bonheur que tu suis n’est qu’une ombre infidèle :
En vain ton murmure l’appelle ;
Il fuira désormais à pas précipités.
Loin de ces amoureux ombrages,
Hélas ! ne crois pas que toujours
Les cieux, d’un rayon pur, éclairent tes rivages ;
Il se lève de noirs orages
Même au milieu des plus beaux jours.
Je parle en vain : tu suis le penchant qui t’entraîne
Vers la rive inconnue où tu dois reposer :
Tu vas chercher la région lointaine,
Qui pourra te désabuser.
En cet instant la nature est parée
Des plus éclatantes couleurs ;
Le soleil plane seul dans la voûte azurée ;
Tout sourit. Amusé de présages trompeurs,
Tu fuis le vallon solitaire ;
Et dans ton cours, ô ruisseau téméraire,
Tu ne prévois que d’aimables erreurs.
Eh bien ! obéis donc à ta pente invincible,
Et quitte de ces bords les constantes douceurs.
Puisse ton onde, en ta course paisible,
Ne voir, n’arroser que des fleurs !
Puissent les Driades charmantes,
Sous un feuillage toujours frais,
Confier à tes eaux errantes
Le doux trésor de leurs attraits !
Que ta source heureuse et sacrée
Frémisse en les touchant d’amour et de plaisir !
Qu’à tes flots caressants la bergère livrée
Trouve dans son âme enivrée,
Le premier sentiment ou le premier désir !
Et si jamais traversant ma patrie,
Tu viens baigner, après quelques détours,
Cette terre, hélas ! si chérie,