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LE RÉPERTOIRE NATIONAL.

l’homme a pour lui-même. J’entends avec tout le monde par raison, cette faculté de l’âme qui nous éclaire sur nos véritables intérêts. Enfin, je considère la conduite de l’homme dans l’ordre naturel, nullement par rapport à la grâce. Cela posé, je dis que la raison seule, dénuée du secours des passions, n’a aucun pouvoir sur les hommes ; ou que si elle en a, du moins il est très borné et ne s’étend qu’aux choses très faciles.

L’amour que l’homme a naturellement pour lui-même, le portant vers les objets qui lui paraissent agréables, et le détournant de ceux qui lui paraissent désagréables ; cet amour, dis-je, qui est véritablement l’amour-propre, est le principe de toutes les passions, puisqu’elles ne sont que des sentiments naturels de l’âme qui lui font poursuivre les choses qui lui plaisent ou éviter celles qui la rebutent. On voit par là qu’elles se réduisent à l’amour-propre ayant les mêmes objets que lui. Il est donc clair que la raison sans les passions, n’a aucun pouvoir sur les hommes, si elle n’en a sans l’amour-propre ; or, je vais le prouver, en montrant que cet amour est le seul mobile de la conduite de l’homme.

Il est de la nature de l’homme de s’aimer constamment cet amour l’oblige continuellement de pourvoir à sa félicité ; tous ses désirs, toutes ses actions, toutes ses démarches, tendent donc à cette fin ; et par conséquent l’amour-propre est la seule cause qui influe dans sa conduite. Pourquoi le héros s’expose-t-il aux dangers ? Pourquoi le ministre se consume-t-il par la méditation et par les veilles ? Pourquoi le magistrat fait-il toute son occupation des affaires publiques ? Pourquoi le savant étudie-t-il sans cesse ? Que l’on examine ; et l’on découvrira que le ressort qui les fait agir n’est autre chose que l’amour-propre. Ce n’est, j’y consens, ni la gloire qui les anime, ni l’intérêt qui les excite, ni l’ambition qui les aiguillonne : je veux qu’ils n’aient d’autre but que celui de servir leur patrie. Ah ! qu’il y a de noblesse et de perfection dans un tel motif ! et dès-là qu’il est capable de piquer l’amour-propre ! Oui, les occasions où