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Page:Rétif de La Bretonne - L’Anti-Justine ou les délices de l’amour, 1864.djvu/64

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devant le monde. Or, j’avais dans cette maison, à quelques marches au-dessous de moi, mais sur le derrière, où je cachais chaque numéro de mes Annales[1], que supprimait le gouvernement d’alors, un cabinet où ma fille devait faire mettre son lit le soir même ; il y aurait été déjà, mais elle ne faisait que de se lever ; j’y avais placé, pour mon usage, celui de mon secrétaire, de sa sœur, de sa maîtresse, de sa belle-mère, un foutoir commode dans le ventre duquel on pouvait parfaitement se cacher. Vitnègre en avait un tout pareil dans lequel il se mettait quand l’un de ses trois payeurs venait pour dépuceler le con ou le cul de sa femme, qu’il appelait sa poule aux œufs d’or ; il voulait tout voir, craignant qu’un des trois ne la lui enlevât ; c’était aussi par volupté ; il était passionné pour la chaussure de sa femme ; lors donc que, tendrement gamahuchée par l’un des trois bougres (car ils l’adoraient, et ils vont la regretter), il lui tirait un soulier qui était étroit et dont la pointe lui servait de con : « Amis, disait-il à ses intimes, je n’ai jamais foutu ma femme qu’en soulier. »

Conquette sentant que Timon avait bien des choses à lui dire et qu’il ne pouvait parler, prétexte qu’elle avait laissé dans mon magasin une lettre qu’elle avait à lui montrer ; ayant une double clef, ils y descendirent ensemble.

Je venais d’y arriver ; j’entendis la marche de ma

  1. Il faut se souvenir ici que Rétif publiait l’Anti-Justine, sous le nom de Linguet, rédacteur du journal fameux les Annales politiques et littéraires. (1777-1790.)