Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/213

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tendre de ſa part des diſcours beaucoup plus-retenus que mes lectures, ét dès qu’un de mes ſens eut-perdu la chaſteté, qui n’était-deja-plus dans mon cœur, le dangereus Ennemi de ma vertu comprit qu’il pouvait attaquer impunement les autres. Je ſouhaiterais que eeci pút être-utile aux Jeunes-perſones, ét ſ’il était-pratiquable de le rendre publiq, ſous un nom ſupposé, je le ferais avec beaucoup de zéle. Dès qu’on vit que j’écoutais les diſcours, on en-vint aux actions. Les entreprises ne furent d’abord qu’une forte de badinage un peu-libre:mais infenſiblement on ſe-permit davantage, dans la vue d’émouvoir les ſens, et de les revolter contre une vertu chancelante. On joignit à cette conduite un langaje flateur, capable toutalafois de chatouiller ma vanité, ét de me-donner de la compaſſion pour les maux causés par mes charmes incomparables.

Il n’était guère poſſible qu’une Fille de mon âge, de mon temperament, ét de ma figure, resiſtât à des attaques ſi-bién combinées. Cependant je tins-bon pendant quelque-temps; enſuite je ne cedai que peuapeu : D’abord je ſouffris une liberté, puis une autre, juſqu’aux plus-decisives : je m’en-tins longtemps-là : mon cœur était-corrompu ; je desirais moi-même de franchir la derniére barrière ; mais le danger me-retenait : je ſavais trop ce qui pouvait resulter d’un commerce plus-intime que celui qu’on avait avec moi, ét la ſeule idée