Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/220

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de perdre ma Sœur, avait-précedé ton mariage, peutêtre y-aurait-il-eu d’autres arrangemens à-prendre… Aureſte, puiſque c’eſt moi qui t’ai-lié, je dois tâcher d’alleger ta chaîne.

Ma Sœur eſt morte, ſans laiſſer d’Heritier : ce fut pour établir avantageusement cette Sœur, qu’on me-fit moine à l’âge de ſeize-ans, malgré ma resiſtance ét mes proteſtations. Les autres entraves qu’on eut-ſoin de me-donner à vingtcinq, ont-achevé de m’ôter tout eſpoir de retour au monde, comme laïq.

La raison de cette conduite extraordinaire, qui fesait ſacrifier un Fils-uniq, à ſa Sœur, avait des causes particulières : mon Père, m.r Gaudét-D’Arras, avait une fort-jolie-Famme (c’eſt ma mère), dont ſon Frère-cadet avait-été l’amant-aimé. L’Ainé la vit, en-devint amoureus, quoiqu’il fût l’inclination de ſon Frère, la demanda, ét fut-preferé par les Parens, acause de ſa fortune. L’Amante du Cadet éplorée, fut-traînée à l’autel, malgré la declaration faite à ſon Père, devant le Futur, qu’elle n’avait-pas-été cruelle pour le jeune Gaudét. On regarda cet aveu comme une fineſſe concertée entre les deux Jeune-gens, pour qu’on les unit. Ma Mêre ne fut-pas-crue. Elle ſ’évanouit aux piéds des autels, ét n’a-jamais-prononcé le oui qui fait les Epous. Cinq-mois après, je vis le jour. Mon Pêre (ou mon Oncle) était-furieus que je paruſſe ſitôt : mais il ne pouvait ſe-plaindre ; on ne l’ayait-pas-trompé. Comme il