Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veus le bonheur de ton Frère, je puis m’en-occcuper, ét c’eſt le ſeul plaisir qui me-ſait-permis… Je ne ſais, mais je me-ſens des inquiétudes… Je voudrais qu’il osât m’aimer : je fuis bién-ſûre de le retenir dañs de juſtes bornes : un amour reglé ne corrompt point les mœurs ; les ſiénnes ſont-pures encore : (oh ! D’Arras, que ce mot-là m’a-fait une douloureuse impreſſion !) S’il m’aimait je le detacherais de Manon, de cette Fille indigne de lui, capable de l’avilir, ét qui a-voulu le tromper : Il ne me ſerait-pas-difficile enſuite, lorſque l’âge l’aurait-meûri, de l’amener au but que je me-propose. Ne pouvant eſperer, n’osant-même nourrir l’eſperance qu’il puiſſe être à moi, c’eſt à ma Sœur que je le deſtine ; je n’ai-jamais-ſongé ſerieusement ni à Laure, ni à la jeune Edmée ; j’aurais-ſeulement-voulu que ces Jeunesperſones l’éloignaſſent d’une Seductrice : ma Sœur n’eſt encore qu’une Enfant ; vous la connaiſſez ; elle a-dix-ans ; ſes traits, en-ſe-developant, deviénnent tous les jours plus-flateurs : Edmond ferait ſon bonheur unjour, ſi j’en-juge par mes ſentimens… Il ſerait mon frère : à ce titre, je pourrais l’aimer d’une manière innocente ; je ne rougirais plus de ſuivre un panchant plein de douceur… Urſule ! ah ſi tu ſavais !…la jalousie eſt un cruel tourment !… Toutal’heure, il m’a-pris la main, il l’a-baisée… il m’a-falu toute ma raison pour la retirer ; il a-falu me-fâcher, pour m’étourdir ſur une ſatiſfaction criminelle… Enſuite,