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Page:Rétif de la Bretone - Le Paysan et la paysane pervertis, vol. 1, 1784.djvu/271

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ſi-peu ce qu’on eftime dans une Famme, qu’une Jeune-veuve n’eſt-pas-moins-recherchée qu’une Fille, toutes choses d’ailleurs égales. Tu me diras, qu’il y-a de la difference entr’une Veuve, ét une Fille qui ſ’eſt-manqué à elle-même. Je le ſais très-bién : la Première n’a-pas-violé ſes devoirs ; elle a-cedé à la loi ; ſon âme eſt vierge ét pure : l’Autre aucontraire a-violé la loi, obeï à ſa paſſion ; elle a-été-faible, ou pis : mais tout cela ne prouve rién contre m.lle Paleſtine, qui ne fut que ſeduite, dans un âge où la raison n’eſt-pas-aidée par l’experience. Aureſte, cette aimable Famme ne ſe-crait pas innocente ; elle en-gemit, elle ſ’en-humilie ; elle en-eſt plus-complaisante pour moi, plus-modeſte ét plus-douce avec ſes Pareilles : ſa faute, mon Ami, eſt-pluſ que-reparée à mon égard ; je ne ſais enverité pas ſ’il vaudrait mieus qu’elle ne l’eût pas commise[1] !

Notre mariage, ſi-ſingulièrement contracté, a-fait l’hiſtoire du jour. Toute la Ville en a-parlé : mais les diſcours qu’on en-a-tenus étaient bién en-deça de la verité ! les precaucions de la bonne Mêre-prievre de S.-Julién, parente de ma Famme, enſeveliſſent pour-jamais dans l’oubli ce qui eút-fait ma honte :

    pas ; mais elle a la chaſteté du cœur, qui donne le prix à celle du corps.

  1. Poudre aux ïeus que tout-cela ! on ne peut en-être la dupe, d’après les Lettres de Manon ét les autres que je rapporte. Un cœur pur, une conduite ſans-reproche repandent ſur la vie une douceur inexprimable, bién-audeſſus de ce que vante ici mon pauvre Frère !