Page:R.-H.-J. Cambresier - Dictionnaire walon-françois, 1787.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
EW
61

d’une grande cataſtrophe, la terreur ſuppoſe une vue moins diſtincte du danger que l’alarme, & laiſſe lus de jeu à l’imagination, dont le preſtige ordinaire eſt de groſſir les objets. Auſſi l’alarme fait-elle courir à la défenſe, & la terreur fait-elle jetter les armes.

L’effroi & la terreur naiſſent l’un & l’autre d’un grand danger ; mais la terreur peut être panique, & l’effroi ne l’eſt jamais, il ſemble que l’effroi ſoit dans les organes & que la terreur ſoit dans l’ame, la terreur a ſaiſi les eſprits, les ſens ſont glacés d’effroi : un prodige répand la terreur, la tempête glace d’effroi.

La frayeur naît ordinairement d’un danger apparent & ſubit : vous m’avez fait frayeur, mais on peut être alarmé ſur le compte d’un autre, & la frayeur nous regarde toujours en perſonne : ſi l’on a dit à quelqu’un, le danger que vous alliez courir m’effrayoit, on s’eſt mis alors à ſa place, la frayeur ſuppoſe un danger plus ſubit que l’effroi, plus voiſin que l’alarme, moins grand que la terreur.

L’épouvante a ſon idée particuliere : elle naît, je crois, de la vue des difficultés à ſurmonter pour réuſſir, & de la vue des ſuites terribles d’un mauvais ſuccès, le projet de la fameuſe conjuration contre la république de Veniſe auroit épouvanté tout autre que le marquis de Bédemar, dont le génie puiſſant planoit au-deſſus de toutes les difficultés.

La crainte naît de ce que l’on connoît la ſupériorité de la cauſe qui doit décider de l’événement. La peur d’un amour exceſſif de ſa propre conſervation, & de ce que, connoiſſant ou croyant connoître la ſupériorité de la cauſe qui doit décider de l’événement, on eſt convaincu qu’elle ſe décidera pour le mal, on craint un méchant homme ; on a peut d’une bête farouche. Il eſt juſte de craindre Dieu, parce que c’eſt reconnoître ſa ſupériorité infinie en tout genre & avouer notre foibleſſe : mais en avoir peut c’eſt en quelque ſorte blaſphêmer, parce que c’eſt méconnoitre celui de ſes attributs dont il ſemble lui-même ſe glorifier le plus, ſa bonté toujours miſéricordieuſe.

L’appréhenſion eſt une inquiétude qui naît ſimplement de l’incertitude de l’avenir, & qui voit le même degré de poſſibilité au bien & au mal.

L’alarme naît de ce qu’on apprend, l’effroi de ce qu’on voit, la terreur de ce qu’on imagine, la frayeur de ce qui ſurprend, l’épouvante de ce qu’on préſume, la crainte de ce qu’on ſait, la peur de l’opinion qu’on a, & l’appréhenſion de ce qu’on attend.

La préſence ſubite de l’ennemi donne l’alarme, la vue du combat cauſe l’effroi, l’égalité des armes tient dans l’appréhenſion, la perte de la bataille répand la terreur, les ſuites jettent l’épouvante parmi les peuples & dans les provinces ; chacun craint pour ſoi ; la vue du ſoldat fait frayeur ; on a peur de ſon ombre.

Étonnement, ſ. m. Surpriſe, conſternation, ſ. f. Un événement imprévu, ſupérieur aux connoiſſances & aux forces de l’arme, lui cauſe les ſituations humiliantes qu’expriment ces trois mots, mais l’étonnement eſt plus dans les ſens & vient de choſes blâmables ou peu approuvées, la ſurpriſe eſt plus dans l’eſprit, & vient de choſes extraordinaires, la conſternation eſt plus dans le cœur, & vient de choſes affligeantes.

Le premier de ces mots ne ſe dit guere en bonne part ; le ſecond ſe dit également en bonne & mauvaiſe part ; & le troiſieme ne s’emploie jamais qu’en mau-