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AU CREUX DES SILLONS

vements souples et ses gestes diligents. Elle le trouvait beau dans la lumière dorée du jour quand il conduisait ses chevaux sur la route qui côtoyait leur ferme. Quand il les interpellait pour les stimuler, elle croyait entendre une musique forte et vibrante qui l’encerclait de ses ondes sonores. Elle aimait de toute l’ardeur de ses vingt ans, de tout l’élan de son sang vigoureux et chaud.

C’était déjà l’automne. Paul achevait de cueillir les fèves, le maïs et les autres légumes du jardin potager. Elle, elle feignait d’aller ramasser des copeaux pour son feu, afin de se donner une occasion de lui parler. Tous les deux s’arrêtaient et, accoudés sur la clôture, ils parlaient longtemps jusqu’à ce que sa mère lui criât :

— Jeanne, ton feu est éteint et le dîner n’est pas cuit.

Alors elle se sauvait en éclatant d’un rire jeune et sonore, et faisant un petit signe amical de la main. Et lui se remettait à l’ouvrage en pensant à cette femme que son cœur avait élue.