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FRIMAS ET VERGLAS

Frimas et Verglas


I


Tous les ans, avec le retour du printemps, de nouveaux groupes de colons partaient pour le Nouveau-Monde. Le roi, le ministère, toute la France encourageaient ces départs. Ne fallait-il pas peupler le vaste territoire du Canada, la nouvelle colonie ! Ces pionniers appartenaient à toutes les classes de la société. Quelques-uns étaient des paysans qui voulaient un lopin de terre à eux, où ils seraient maîtres et propriétaires ; d’autres étaient des soldats, qu’une humeur aventureuse poussait vers les régions inconnues de cette immense colonie ; d’autres, des commerçants, que l’espoir d’un gain rapide attirait au pays de la traite de la pelleterie ; mais plusieurs n’étaient mûs que par le désir de christianiser le Canada et d’y fonder un prolongement de la France. C’est pourquoi chaque bateau qui partait, emportait un contingent de ces vaillants que rien n’arrêtait, ni une traversée longue et périlleuse, ni des débuts difficiles sous un climat sévère.

Cette année-là, « L’Étoile de la Mer » appareillait. Elle devait emmener avec bien d’autres Pierre Benoit et sa femme. Benoit était d’une intelligente famille paysanne de Normandie, qui n’était jamais parvenue à s’élever au-dessus de sa condition, sans cesse refoulée et réprimée par des circonstances adverses et tout un ordre de choses que créait le gouvernement du pays.

Pierre Benoit et sa femme partaient donc à la recherche d’un champ plus vaste à leur ambition. Ils n’avaient qu’une