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les dépaysés


Jam lucis orto sidere
Deum precemur supplices
Ut in diurnis actibus
Nos servet a nocentibus.

Après avoir mangé debout le repas du matin, ils se séparèrent, perpétuellement silencieux, allant à la tâche assignée.

Ce jour, Dom Nicophore devait faire des courses au village voisin. Il s’engagea dans les sentiers de la montagne. Sur toutes les choses la lumière créait des nœuds lumineux. Les feuilles des arbres s’ourlaient de clarté. Des oiseaux, des insectes, mille petits êtres vivants s’agitaient, se préparant à leur œuvre de création. Dom Nicophore, chose brune qui bouge, passait et descendait parmi cette vie qui se donne et reçoit. Son chapelet sur sa jambe chantait et adorait dans le silence habité du sentier. Son crâne tonsuré, livide et lumineux, effleurait les feuilles qui tressaillaient d’une joie féconde.

Il entra dans le village. Des femmes accouraient pour se faire bénir. Cet homme de néant et de force, par sa rayonnante présence de pauvreté, infusait à ce village une vie supérieure qui l’enveloppait et l’élevait. Il passa, bénissant, obéissant, priant. À sa vue, les âmes sentaient meilleures, et lorsqu’on lui apportait des malades implorants, il se dégageait disant : « Je suis rien, je ne peux qu’obéir ».

Il allait gravir la montagne pour rentrer au couvent. Sur le bord de la route, des ouvriers et des maçons construisaient une haute maison. Les échafaudages s’enchevêtraient dans la clarté. Des hommes montaient, descendaient, portant des pierres et des outils. Un ouvrier au haut d’une tour ache-