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les dépaysés

bonds des petits lièvres qui exploraient l’univers. Ce soir le paysage est si immobile qu’on le dirait peint sur une toile. Nous passons la nuit à Saint-Joseph, ville de 100,000, bâtie sur des falaises et noyée de verdure. Nous sommes aux confins du Missouri.

Toujours poussés en avant, nous arrivons bientôt dans Hasting. La journée est torride. L’air flamboie. La brise est d’une chaleur d’incendie. Les bêtes affaissées cherchent la fraîcheur dans l’herbe. La vie semble suspendue. Seul un oiseau dont j’ignore le nom arrive et jette un cri strident, un vrai cri de détresse, et repart.

Pour éviter l’atmosphère surchauffée des chambres d’hôtel, nous décidons de nous installer dans le parc réservé aux touristes. Nous avons une tente que nous dressons en quelques minutes et nous sommes chez nous. Chaque ville, chaque village a son parc pour recevoir les étrangers. Ce soir, il y a au-delà de deux cents automobilistes qui, comme nous, ont élu domicile à l’ombre du parc. Quelques-uns ont toute leur famille avec eux, depuis le grand-père, la grand’mère, les enfants, jusqu’au chien, le chat, le perroquet et les oiseaux de Canarie. Il est intéressant de voir, à l’ouverture des tentes, l’ancêtre assis sur un pliant, Patou qui surveille, Minet qui se lave, le perroquet qui enrichit son dictionnaire, les oiseaux qui chantent les dernières nouveautés pendant que les enfants s’ébattent sur la pelouse.

Voilà quelqu’un qui se met à chanter “The Sheik of Araby”.

C’est à propos. En effet, c’est très Arabie, ces deux cents tentes qui blanchissent la profondeur du parc. Le soir apporte avec lui une fraîcheur bienfaisante. Après nous être reposés nous partons à la re-