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nouvelles aventures d’ambroise.

pierreux qui baigne ses murs, et les prairies qu’il avait foulées dans sa jeunesse. Il ne put résister à l’envie de voir son pays, malgré tout ce que firent pour l’en détourner ses amis et cette troupe de réfugiés dont la ville était remplie. Il leur répondait que, depuis son absence, le sort de ses frères était fort adouci ; que le flambeau de la raison, à laquelle nous donnons le nom plus imposant de philosophie, répandait sur toute la France une lumière éclatante ; que les Français étaient tous des sages ; que l’on parlait d’humanité et de tolérance, dans tous les livres et dans tous les journaux ; et que tout annonçait que son pays était devenu fort tolérant et fort humain.

En conséquence de ce raisonnement, Ambroise s’embarqua à Douvres, plein d’impatience de revoir sa chère patrie. Il est aisé de comprendre qu’on ne le reconnut plus dans sa petite ville ; son habillement servait encore à le déguiser. C’était alors la mode en France de porter les tailles longues et les grands chapeaux ; et les Anglais, pour nous morguer, avaient pris les tailles courtes et de petits chapeaux, que nous adoptâmes l’année d’après : ce qui les engagea à les quitter eux-mêmes. L’équipage d’Ambroise annonçait l’opulence sans faste et sans éclat, et cette magnificence d’un homme qui jouit pour soi, sans s’embarrasser de ce qu’en pensent les autres.