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le vieux cévenol.

autres que parce qu’il nous paraît qu’ils s’en éloignent trop, et que ni Dieu ni la nature ne les ont prescrits ainsi. Notre conviction du moins ne peut être suspecte, et les périls auxquels nous nous exposons prouvent que nous sommes de bonne foi ; mais s’il était indifférent, comme le pense monsieur, que les hommes rendissent à Dieu tel ou tel culte, cet objet ne vaut donc pas la peine que l’on égorge ceux qui ont le malheur d’avoir une persuasion qui leur devient si funeste.

La sensibilité aux maux d’autrui est un sentiment caché dans le fond de tous les cœurs ; l’intérêt personnel et le préjugé l’étouffent souvent, mais il est des moments où il se développe, où il éclate même avec d’autant plus de force qu’il avait été plus comprimé. Le jeune voyageur l’éprouva ; il avait d’abord regardé les protestants avec le mépris que nous avons l’injustice de ressentir pour les opprimés, sans examiner seulement s’ils ont raison ou tort. La réflexion de son compagnon, avait été d’ailleurs pour lui un trait de lumière. « En effet, » disait-il, « si le culte divin est une loi éternelle dictée par l’Être suprême, ces gens-ci suivent sans le savoir une loi cachée de la nature ; que s’ils y ajoutent quelques pratiques indifférentes, ce n’est peut-être pas un crime ; et du moins ils ne sont pas plus coupables que les autres peuples du monde. Leur culte même étant le plus simple de tous ceux qui existent, ils ont moins ajouté que les autres à l’instinct universel. »