Page:Rabbe - Album d’un pessimiste, I, 1836.djvu/139

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De la Vie


Hélas ! nous ne savons rien : la pensée humaine se tourmente à ouvrir des portes à la consolation ; mais cette douce immortelle ne veut pas habiter notre âme. Nous sommes réduits à nous calmer par la désespérante conviction de notre néant ; c'est ainsi qu'on éteint le principe de la vie, que l'on paralyse la sensibilité par l'application des plus violens caustiques dans les plaies obstinément rebelles à l'art de guérir.

Nous avons un immense besoin d'agitations, et le tombeau ne nous fait horreur que parce qu'elles y cessent toutes. En même temps l'idée du repos nous est agréable. Quand des forçats rament, ils voudraient bien se reposer ; mais si l'un d'eux s'arrête, le nerf de boeuf s'agitant dans les mains d'un implacable chef de chiourme tombe sur ses épaules et marque sa peau frémissante d'un sillon rouge et bleuâtre à-la-fois. Ainsi quand nous nous reposons dans la galère de la vie, un gardien intérieur fla-