Page:Rabbe - Album d’un pessimiste, I, 1836.djvu/34

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comme on le veut, en tous lieux et à toute heure, est la source la plus féconde de l’indépendance, et le gage certain d’une invincible fierté. Or, c’est par là surtout, c’est par leur supériorité dans cette haute science de mourir, que les Romains étaient les hommes que nous admirons.

Montesquieu avait déjà exprimé cette opinion dans les Lettres persannes. Cette opinion a donc été celle de toute sa vie : ce qu’il est bon de remarquer, par la raison que cet illustre écrivain n’a pas échappé d’être mis en opposition avec lui-même, en matière d’opinions philosophiques, par la comparaison des ouvrages de sa jeunesse avec ceux qui appartiennent à une époque plus avancée de sa carrière. Quant à Rousseau, son opinion ne saurait être douteuse, pour quiconque a lu attentivement les deux lettres, si justement vantées, de Boniston et de Saint-Preux ; et qui ne les a pas lues, qui ne les a pas présentes à la mémoire, assez pour se convaincre que la question, en apparence balancée, et malgré la renonciation de Saint-Preux au projet de s’arracher la vie, est en effet résolue dans le sens affirmatif ? Les argumens de ce dernier sont d’une force irréfutable : aussi on voit bien qu’il ne cède la victoire qu’aux témoignages de la tendresse, et non aux raisonnemens de son généreux ami.

Puisque j’ai parlé de Rousseau, je devrais avant d’aller plus loin me justifier, peut-être, d’oser abor-