Page:Rabbe - Album d’un pessimiste, I, 1836.djvu/40

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nécessaire, du besoin de désarmer le courroux d’un Être puissant et redoutable par l’hommage volontaire des choses et des êtres sur lesquels il peut exercer un pouvoir bienfaisant et destructeur. Plus le sacrifice est grand, plus la victime est rare, plus l’hommage est réputé digne de la Divinité. Nos sauvages ancêtres, obéissant à la voix de leurs druides, cherchaient à satisfaire l’implacable courroux de leurs dieux féroces, par des torrens de sang humain versés au pied de leurs autels. Ils immolèrent quelquefois des bataillons entiers que le sort des armes avait livrés en leurs mains. Dans certaines occasions, Teutatès, par la voix de ses sombres ministres, ne demandait rien moins à l’intrépide guerrier tremblant devant son image, que le sang de ses enfans et de sa femme, et à défaut d’aussi chères victimes, souvent l’infortuné sauvage s’immolait lui-même.

Des traces d’un culte pareil peuvent se retrouver encore dans quelques contrées où subsistent ces mœurs primitives qui paraissent avoir été communes à toutes les nations du globe, après la grande catastrophe qui n’a laissé d’un monde antérieur que le souvenir funèbre de sa destruction. Les sectateurs de l’idole révérée dans le grand temple de Jagrenat, aujourd’hui encore se précipitent sous les roues de son char, ou se frappent de leurs poignards pour rougir de leur sang le chemin qu’elle