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GARGANTUA 5


cieulx, nous ha esté reseruee l’anticquité et genealogie de Gargantua, plus entiere que nulle aultre ; exceptez celle du Messias, dont ie ne parle, car il ne me appartient : aussi les diables (ce sont les calumniateurs et capharts) s’y opposent. Et feut trouuee par lean Audeau, en ung pré qu’il auoit pres l’arceau Gualeau, au dessoubz de l’Oliue, tirant a Narsay[1]. Duquel faisant leuer les fossez, toucharent les piocheurs, de leurs marres[2], ung grand tombeau de bronze, long sans mesure : car oncques n’en trouuarent le bout, parce qu’il entroit trop auant les excluses de Vienne[3]. Icelluy ouurans en certain lieu signé[4] au dessus d’ung goubelet, a l’entour duquel estoit escript en lettres etrusques hic bibitur, trouuarent neuf flaccons, en tel ordre qu’on assied les quilles en Gascoigne. Desquelz celluy qui au milieu estoit couuroit ung gros, gras, grand, gris, ioly, petit, moisy liuret, plus mais non mieulx sentent que roses.

En icelluy feut la dicte genealogie trouuee, escripte au long de lettres cancellaresques, non en papier, non en parchemin, non en cere ; mais en escorce d’ulmeau, tant toutesfoys usées par vétusté que a poine en pouuoit on troys recongnoistre de ranc.

Ie (combien que indigne) y feuz appellé ; et, a grand renfort de bezicles, practicquant l’art dont on peult lire lettres non apparentes, comme enseigne Aristoteles, la translatay, ainsi que veoir pourrez en pantagruelisant, c’est a dire, beuuans a gré, et lisans les gestes horriticques de Pantagruel. A la fin du liure estoit ung petit traicté intitulé, Les Fanfreluches antidotees. Les ratz et blattes, ou (affin que ie ne mente) aultres malignes bestes auoyent brousté le commencement : le reste i’ay cy dessoubz adiousfé, par reuerence de l’anticquaille.

CHAPITRE II. — Les Fanfreluches antidotees, trouuees en ung monument anticque[5].

(), i’enu le grand dompteur des Cimbres,
 :  :’sant par l’aer, de paour de la rousee,
=. sa venue on ha remply les timbres
 :  :. beurre fraiz, lumbant par une housee[6],
Duquel quand feut la grand mer arrousee,
Cria tout haut : hers[7], par grâce peschez le,
Car sa barbe est presque toute embousee[8] ;
Ou, pour le moins, tenez luy une eschelle.
Aulcuns disoyent que leicher sa pantoufle
Estoit meilleur que guaigner les pardons :
Mais il suruint ung affecté marroufle.
Sorty du creux ou lon pesche aux gardons,
Qui dist : Seigneurs, pour dieu nous engardons,
L’anguille y est : et en cest estau musse.
La trouverez (si de pres reguardons)
Une grand tare[9] au fond de son aumusse[10].


  1. Lieux voisins de Chinon en Touraine.
  2. Outils.
  3. Rivière qui passe à Chinon.
  4. Marqué.
  5. Ce chapitre est une énigme, un amphigouri presque incompréhensible sur lesquelles annotateurs ont entassé beaucoup de sottes rêveries. Expliquer ici c’est déjà ne plus comprendre.
  6. Averse.
  7. Seigneurs.
  8. Sale.
  9. Tache.
  10. On a voulu voir à toute force une allusion à JulesII et à Calvin dans cette strophe : mais Rabelais ne s’est-il pas moqué plus haut des abstracteurs de quintessence ?