Adonc fit la montre de la diablerie parmi la ville et le marché. Ses diables étaient tous caparaçonnés de peaux de loups, de veaux et de béliers, passementés[1] de têtes de moutons, de cornes de bœufs, et de grands havets[2] de cuisine, ceints de grosses courroies, esquelles pendaient grosses cymbales de vaches, et sonnettes de mulet à bruit horrifique. Tenaient en main aucuns[3] bâtons noirs pleins de fusées ; autres portaient longs tisons allumés, sur lesquels à chacun carrefour jetaient pleines poignées de parasine[4] en poudre, dont sortait feu et fumée terrible. Les avoir[5] ainsi conduits avec contentement du peuple et en grande frayeur des petits enfants, finalement les mena banqueter en une cassine[6] hors la porte en laquelle est le chemin de Saint Ligaire. Arrivants à la cassine, de loin il aperçut Tappecoue qui retournait de quête, et leur dit en vers macaroniques :
Hic est de patria, natus de gente belistra,
Qui solet antiquo bribas portare bisacco.
« Par la mort dienne ! dirent adonc les diables, il n’a voulu prêter à Dieu le père une pauvre chappe ; faisons-lui peur. — C’est bien dit, répond Villon ; mais cachons-nous jusques à ce qu’il passe, et chargez vos fusées et tisons. » Tappecoue arrivé au lieu, tous sortirent on[7] chemin au devant de lui, en grand effroi, jetants feu de tous côtés sur lui et sa poultre, sonnants de leurs cymbales et hurlants en diables : « Hho, hho, hho, hho, brrrou, rrrourrrrs, rrrourrrs, rrrourrrs, hou, hou, hou ! Hho, hho, hho ! Frère Étienne, faisons-nous pas bien les diables ? »
« La poultre, toute effrayée, se mit au trot, à pets, à bonds et au galop, à ruades, fressurades[8] doubles pédales[9] et pétarades, tant qu’elle rua[10] bas Tappecoue, quoiqu’il se tînt à l’aube[11] du bât de toutes ses forces. Ses étrivières étaient de cordes du côté hors le montoir, son soulier fenestré[12], était si fort entortillé qu’il ne le put onques tirer. Ainsi était traîné à écorchecul par la poultre, toujours multipliant en ruades contre lui, et fourvoyante de peur par les haies, buissons et fossés. De mode qu’elle lui cobbit[13] toute la tête, si que la cervelle en tomba près la croix hosannière[14], puis les bras en piè-