Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome I (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/205

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— Ha ! ha ! ha ! dit Pantagruel. »

Et Carpalim dit : « Au diable de Biterne[1] ! par Dieu, j’en embourrerai[2] quelqu’une.

— Et je, dit Eusthènes, quoi ? qui ne dressai onques puis que bougeâmes de Rouen, au moins que l’aiguille montât jusques sur les dix ou onze heures, voire encore que l’aie dur et fort comme cent diables.

— Vraiment, dit Panurge, tu en auras des plus grasses et des plus refaites[3].

— Comment, dit Épistémon, tout le monde chevauchera et je mènerai l’âne ! Le diable emporte qui en fera rien ! Nous userons du droit de guerre, qui potest capere capiat.

— Non, non, dit Panurge. Mais attache ton âne à un croc et chevauche comme le monde. »

Et le bon Pantagruel riait à tout, puis leur dit : « Vous comptez sans votre hôte. J’ai grand peur que, devant qu’il soit nuit, ne vous voie en état que n’aurez grande envie d’arresser[4] et qu’on vous chevauchera à grand coup de pique et de lance.

— Baste, dit Épistémon. Je vous les rends à rôtir ou bouillir, à fricasser, ou mettre en pâte. Ils ne sont en si grand nombre comme avait Xerxès, car il avait trente cents mille combattants, si croyez Hérodote et Troge Pompone[5], et toutefois Thémistocles à peu de gens les déconfit. Ne vous souciez, pour Dieu !

— Merde, merde, dit Panurge. Ma seule braguette époussètera tous les hommes, et saint Balletrou, qui dedans y repose, décrottera toutes les femmes.

— Sus donc, enfants, dit Pantagruel, commençons à marcher. »

COMMENT PANTAGRUEL EUT VICTOIRE BIEN ÉTRANGEMENT DES DIPSODES ET DES GÉANTS.

Après tous ces propos, Pantagruel appela leur prisonnier et le renvoya, disant : « Va-t’en à ton roi en son camp, et lui dis nouvelles de ce que tu as vu, et qu’il se délibère[6] de me festoyer demain sur le midi, car incontinent que mes galères

  1. Viterbe.
  2. Rembourrerai.
  3. Rebondies.
  4. Redresser.
  5. Trogue-Pompée
  6. Décide.