Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome I (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/22

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il dicte son testament où Rabelais se trouve compris pour une rente de 150 livres tournois, en attendant un bénéfice d’un produit double. Toute la maison reprend la route de France et passe les monts en plein hiver. À Lyon, Guillaume du Bellay refuse de s’arrêter, malgré l’avis des médecins, et le 9 janvier 1543 il meurt à Tarare au milieu de ses familiers et de ses serviteurs consternés.

« Il m’en souvient, écrit Rabelais dix ans plus tard, et encore me frissonne et tremble le cœur dedans sa capsules… Amis, domestiques et serviteurs du défunt et tous effrayés se regardaient les uns les autres en silence sans mot dire de bouche, mais bien tous pensants et prévoyants en leurs entendements que de bref seroit France privée d’un tant parfait et nécessaire chevalier à sa gloire et protection. »

Il fallut ramener le corps. Le bon Tourangeau et son ami Étienne Lorens conduisirent le cortège funèbre et arrivèrent à Saint-Ayl, le 30 janvier, incertains de la direction à suivre. L’ordre vint enfin de continuer sur le Mans où les obsèques eurent lieu le 5 mars : pendant le désordre du voyage, un Allemand au service du défunt déroba ses papiers que Rabelais avait renfermés dans les coffres du bagage.

Cette mort, dont le retentissement fut énorme en France, en Italie, et même en Allemagne où Langey avait rempli d’importantes missions, privait maître François d’un puissant protecteur, mais en même temps elle lui donnait la notoriété qui s’attache toujours à quelqu’un qui vient d’être mêlé à de grands événements. Cependant l’effet ne s’en fit pas sentir sur-le-champ, car pendant plus de deux ans rien ne nous parle de Rabelais. Tout porte à croire que, sans quitter le service des du Bellay, il se rapprocha de ses amis du Poitou, qu’il n’avait jamais oubliés. L’évêque de Maillezais était mort (1543), mais son neveu et héritier Louis d’Estissac continuait les bons offices du prélat, et c’est sans doute à son château de Coulonges-les-Royaux (Deux-Sèvres) ou de la Brosse (Charente-Inférieure) que l’auteur de Pantagruel chercha à oublier dans le calme et la retraite tant de tragiques événements. Il se mit en devoir de terminer son troisième livre.