Page:Rabelais - Gargantua et Pantagruel, Tome I (Texte transcrit et annoté par Clouzot).djvu/45

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GARGANTUA
ET PANTAGRUEL
LIVRE PREMIER
La vie très horrifique du grand Gargantua,
père de Pantagruel, jadis composée par
M. Alcofribas, abstracteur de quinte essence.
Livre plein de pantagruélisme.

COMMENT GARGANTUA FUT ONZE MOIS PORTÉ ON[1] VENTRE DE SA MÈRE.


Grangousier était bon raillard[2] en son temps, aimant à boire net autant qu’homme qui pour lors fût au monde, et mangeait volontiers salé. À cette fin, avait ordinairement bonne munition de jambons de Mayence et de Bayonne, force langues de bœuf fumées, abondance d’andouilles en la saison et bœuf salé à la moutarde, renfort de boutargues[3], provision de saucisses, non de Bologne, car il craignait li boucon[4] de Lombard, mais de Bigorre, de Longaunay, de la Brenne et de Rouergue. En son âge virile, épousa Gargamelle, fille du roi des Parpaillos, belle gouge[5] et de bonne trogne, et faisaient eux deux souvent ensemble la bête à deux dos, joyeusement se frottants leur lard, tant qu’elle engrossa d’un beau fils, et le porta jusques à l’onzième mois.

  1. Au.
  2. Plaisant compère.
  3. Œufs de mulet séchés.
  4. Le poison.
  5. Fille.